Le gibier Ă  plumes vu par Alexandre Dumas

Dans son Grand Dictionnaire de cuisine, Alexandre Dumas louait les délices du gibier à plumes. Une belle galerie de plaisirs gustatifs qui fait rêver. Le célèbre écrivain aimait aligner les petits oiseaux pour les engloutir à l’aise. Il les bardait avant rôtissage de «lames de tétine» (voir dessin). Le plus souvent, il les utilisait comme garniture, les disposant «en ceinture autour d’un plat de gibier rôti. Et adorait les sauter dans de la moelle avec des fines herbes, du jus de bigarade et de la chapelure de pain bis». Une recette qui semble s’être perdue…
Alexandre ne dédaigne pas le pluvier, qu’il soit doré ou à collier. Il en prend trois ou quatre et les met dans une casserole avec une douzaine de belles truffes. Époque bénie… Il fait revenir le tout au beurre, mouille au champagne, ajoute quelques cuillères d’espagnole réduite (une affreuse sauce brune qui n’a plus court aujourd’hui). 
Le roi des oiseaux reste pourtant la bécasse à laquelle on «rend les mêmes honneurs qu’au grand lama», écrivait Alexandre Dumas. Qui poursuit en proférant une grosse bêtise: «On vénère tellement ce précieux oiseau (…) que ses déjections sont mangées avec respect par les fervents amateurs.»
C’est dire que l’écrivain ne savait pas que la bécasse, lorsqu’elle décolle, vide brutalement ses intestins. L’intérieur de l’oiseau, tartiné sur des rôties (tranches de pain grillées) ne contient donc pas de déjections.
Dumas ajoute enfin que la bécasse n’est pas «du goût de tout le monde, elle ne convient ni aux mauvais estomacs, ni aux bilieux, ni aux mélancoliques…» Et il ajoute: «l’odeur et la saveur de cet oiseau déplaisent aux chiens auxquels on a beaucoup de peine à la faire rapporter.»
À l’évidence, notre Alexandre n’aimait pas la bécasse! Il ne donne donc qu’une recette expliquant le rôtissage à la broche qui dure une demi-heure. Elle devait être archicuite après un tel traitement!
Et les perdreaux? Ils étaient vraiment sauvages à l’époque. Dumas les adore au chou, bien sûr. Une recette que nos chefs semblent avoir oubliée. Alors rappelons-leur que les volatiles sont placés dans un faitout avec lard, saucisson, chou haché, navets, carottes, bouquet garni. Ils braisent pendant une heure. Le fond de cuisson et les légumes sont alors garnis d’une douzaine de chipolatas.
Tout cela est ensuite monté dans un moule à charlotte et mis au bain-marie. Au service, oiseaux, légumes, saucisses, lard sont nappés d’une demi-glace. On se demande si cette recette n’est pas un peu dépassée...
Les oies sauvages n’avaient pas intérêt, elles, à trop s’approcher d’Alexandre Dumas. Prêt à les transformer en boudin, en civet à l’ancienne ou en escalope au sang.
Ah! A l’époque d’Alexandre Dumas, on mangeait du vrai faisan sauvage! Pas élevé en captivité et abattu à la sortie des cages… Mais l’écrivain sombre dans la facilité en citant très longuement Brillat-Savarin qui nous offre un hymne à cet oiseau remarquable: «Pris à point, c’est une chair tendre, sublime et de haut goût. Car elle tient à la fois de la volaille et de la venaison.» Et dans la foulée, Brillat-Savarin farcissait son faisan de la chair de deux bécasses mélangée à de la moelle de bœuf cuite à la vapeur, du lard râpé, des fines herbes. Et autant de truffes nécessaires pour emplir «la capacité intérieure du faisan.» 
Et Dumas enchaînait avec les recettes. Petit florilège: aux pistaches, à l’espagnole, à la périgueux, à la braise, à la vopallière, à l’angoumoise, en escalope, aux laitances de carpes ou à la sauce brochet. Vous avez bien lu, nos anciens ne détestaient pas mélanger venaison et poissons.