Au moyen-âge, le blé et les céréales parentes, telles que seigle et épeautre, constituaient la base de l'alimentation en Europe occidentale. Genève ne faisait pas exception. On y était amateur de pain blanc, même à la campagne.En effet, en 1343, lorsque les paysans de Troinex reconnaissent devoir certains travaux ou «corvées» annuelles à leur seigneur, le prieur et les moines de Saint-Victor, ils prétendent avoir le droit d'être nourris durant ces jours, et bien nourris: de «bon pain blanc et de vin clair». Si les «vilains» de la campagne étaient si bien lotis, on peut se douter que les gens de la ville, bénéficiant des possibilités diverses offertes par les foires, pouvaient formuler des exigences bien supérieures de variété et de qualité.
En 1375, l'évêque Guillaume de Marcossey établit un impôt sur les denrées et marchandises vendues dans Genève et ses faubourgs, pour subvenir aux frais des fortifications. Ce règlement énumère les légumineuses (fèves, pois, lentilles), les céréales (froment, avoine, seigle, orge, millet, panic), les épices et autres assaisonnements (sel, poivre, gingembre, grains de paradis (sorte de poivre), girofle, safran, cannelle, cumin), les fruits (amandes, figues, raisins), les animaux de boucherie (bœuf, vache, veau, poulet, porc, porcelet, mouton, agneau), le poisson salé (anguilles). Un tarif des péages de 1515 mentionne de l'huile, de l'huile d'olive, de la moutarde, du suif, du miel, du safran.
L'office de cribleur, créé en 1441, mentionne des denrées telles que le sucre candi, le gingembre, les noix de muscade, la cannelle, etc. Ces produits exotiques, vendus aux foires, n'étaient que de passage, mais il en restait pour assaisonner la table des Genevois les plus riches.
Dès l'apparition des documents médiévaux, donc, on voit que Genève a dépassé le stade de la simple subsistance. On fait de la cuisine, on assaisonne les plats, pratique l’art de vivre.
Au marché aux poissons frais, on vend les poissons du lac, perches, truites et le milcanton, c'est-à-dire les tout petits poissons, dont les Genevois sont friands. Il faudra plus tard en interdire la pêche qui dépeuple le lac. En 1581, le syndic Jean Du Villard dessine une carte du Léman, en marge de laquelle il reproduit les principales espèces, les coquillages et les crustacés, avec des indications sur leur goût, leur délicatesse, la meilleure saison pour les pêcher et les consommer.
Plus tard, au XVIIe siècle, ce sont les festins officiels, organisés pour les élections des Messieurs de la Justice et des syndics, qui seront réglementés. Les dépenses réparties entre l'État et les élus sont strictement limitées. Cela, évidemment, pour des raisons économiques et budgétaires autant que de décence.
Mais entretemps, le développement du commerce avec l'Amérique ou l'Asie fait apparaître des produits nouveaux. Un tarif des halles de 1604 énumère dattes, amandes, figues, raisins de Damas, pruneaux, riz, oranges, girofle, cassonade, olives, câpres et anchois. En 1621, apparaissent encore les "passules" (raisins de Corinthe), les pignons, les brignoles, les citrons, le "fust" (pistaches).